un Mahé 36 en vadrouille
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Non, pas celui là. L’autre, là. Il est là. Enfin, pas lui, mais son frère jumeau. Gréé pareil, génois et trinquette sur enrouleur, arceau supportant les panneaux solaires à l’arrière. Gris, et un bandeau bleu, plutôt que blanc et rouge, moins beau, bien sûr. Mais c’est lui. Bouffée de souvenirs.
Il est de la même longueur que Escales, à peine 11m. Moins large bien sûr, et plus bas sur l’eau aussi. Pourtant conçu à la même époque, ou même plus tôt (fin des années 90), il était non seulement mieux conçu mais mieux construit aussi. Un bateau solide, rigide, où tout était bien pensé, de l’électricité à l’accastillage, et en prime, avec probablement plus de rangements disponibles que sur Escales, pour une surface habitable assez comparable (28m2 sur Escales).
Pourtant je n’en ai aucune nostalgie, ni le regrette. Il était trop exigeant pour mes capacités, en solitaire de surcroît. Il naviguait bien, oh oui, mais au prix de l’inconfort propre à tout monocoque, mais aussi à une exigence physique due à une plus grande surface de toile, et une ergonomie qui était largement perfectible - et se faisait particulièrement sentir à mener en solo.
Mais bel ami reste et restera à jamais celui de mon grand saut dans le bain, celui sans lequel je n’aurais pas osé être là aujourd’hui, malgré tout (et le reste), celui qui m’a montré que tout était possible, à condition d’accepter les compromis nécessaires, et de se lancer.
Car au final, c’était la clé avec lui, et encore aujourd’hui : oser se lancer. Le reste suit, une fois qu’on est décidé.
Sainte Anne (Martinique - oui, parce qu’il existe également un Sainte Anne en Guadeloupe). Voilà quelques temps que je suis là, combien de temps d’ailleurs ? A vue de pif, peut être 3 ou 4 semaines. Une navigation express depuis la Guadeloupe, quelques mouillages intermédiaires, dont l’anse Chaudière, vraie bonne surprise de cette saison.
Sainte Anne, donc. Ils étaient 300 voiliers au mouillage lors du premier confinement, nous ne sommes plus qu’une centaine - et les départs vers le sud ont été réguliers ces derniers temps. Je n’ose imaginer ce que cela devait donner il y a à peine 18 mois, par contre je n’ai aucun problème à comprendre les tensions que cela a pu créer avec les habitants de cette petite commune.
La vie est douce, ici. Chère mais douce : nous sommes en terrain connu. C’est notre langue, nos marques (de supermarché, de nourriture, …), bref, nos codes. Hors de prix à sainte Anne, un peu moins au Marin, qu’on atteint en à peine 15 minutes de dinghy. L’eau est claire, on voit un peu de vie sous marine, quelques tortues, beaucoup de poissons volants. Un joli sentier côtier pour promener la bestiole. C’est confortable.
Les bateaux copains sont tous les deux là pour des travaux, qui de menus se sont transformés en plus ou moins conséquent. Bref, ils attendent que cela se termine, et je les attends (sans trop me sacrifier, quand même 😏).
J’en profite depuis deux semaines pour participer à des cours de dressage, après beaucoup d’hésitations. Ce n’est pas que GG soit une mauvaise fille, loin de là : elle est câline, joueuse, adorable et obéissante (particulièrement quand elle est en laisse). Mais voilà, la bestiole ne répond pas au rappel, ce qui peut se révéler problématique dans des situations délicates.
Au milieu de bergers Malinois, Cané Corso ou autre American Staff, tous mâles, la bestiole ne déçoit pas. En bonne locale de l‘étape, elle assure même, qu’il s’agisse d’obéissance à la laisse, de sociabilisation ou même d’élégance. Il n’y a que pour cette broutille de rappel que les choses se sont corsées, et que le formateur - compte tenu de ma présence limitée à ses cours - a dû (avec mon accord), utiliser une méthode contestée (le collier électrique) pour qu’elle comprenne que “Au pied !” ne souffrait ni interprétation, ni délai, ni humeur quelconque. Têtue (qui se ressemble s’assemble), elle a pris son temps, mais réagit maintenant (presque) au quart de tour, revenant au galop entre mes jambes à chaque fois que je l’appelle. Champagne !
Il était temps que cela se règle. Nous sommes mi Août (ou tout comme), et le climat, tout réchauffé qu’il soit, n’attend pas : son cycle annuel entre en phase active (Elsa n’était qu’une mise en bouche, comme Gonzalo l’année dernière), les choses sérieuses commencent maintenant : la température de l’eau dans l’Atlantique se réchauffe, le cisaillement du vent baisse, l’air sec venant du Sahara se raréfie … les conditions se mettent en place pour le développement de tempêtes plus ou moins fortes.
Dans le même temps, la situation épidémique en Martinique s’aggrave : le confinement mis en place depuis 15 jours produit ‘quelques’ fruits, mais ne saurait résister à l’apparition du variant ∂ depuis quelques jours, ni à la proverbiale légèreté des Martiniquais (et probablement Guadeloupéens aussi) face à la pandémie, un mélange de fatalisme, de “ça-ne-m’arrivera-pas-à-moi”, et bien sûr aussi de tout le reste, scepticisme, défiance et complotisme.
Les médias locaux parlent maintenant ouvertement d’un confinement “à la mars 2020”, autrement dit, strict. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement en l’absence de vaccination dans le pays (moins de 20%), mais j’imagine dans le même temps l’horreur pour des familles dont on exige qu’ils gardent leurs enfants à l’intérieur, quand la température dépasse les 30° en journée … en extérieur.
Saint Vincent et les Grenadines, tout comme Grenade, gardent - pour l’instant - leurs frontières ouvertes pour les vaccinés. Alors, il est temps de partir plus au sud pour les trois ou quatre mois qui viennent, s’éloigner des confinements stricts qui pointent leur nez et se rapprocher de latitudes -climatiquement- plus sûres.
Dès que les copains seront opérationnels, c’est à dire très bientôt.
A cette date, il y a un an, nous nous préparions à voguer vers Grenade, refuge désigné pour la période cyclonique.
Cette année, nous prenons plus notre temps, les contraintes (de frontières) sont moins fortes. Nous revoilà donc à trois bateaux à l’îlet Cabri, lieu de nos premiers confinements. Trois, seulement, sur plus de 20 bateaux qui pendant près de 4 mois, avaient vécu au gré des quizz et points VHF quotidiens.
Nous sommes seuls au mouillage, la faute, paraît-il, à ces deux ondes tropicales qui se dirigent vers les Antilles, et devraient nous amener du mauvais temps … un des modèles (un seul, cela dit, sur les 4 que je peux consulter) prévoit même jusqu’à 50 nœuds de vent, une bonne petite tempête tropicale, quoi.
Les marseillais (s’ils me lisent) se marreront, eux qui ont l’habitude du mistral qui, à 50 kt, n’est tout au plus qu’une bonne petite brise.
Bref, nous sommes bel et bien rentrés dans la saison humide.
La descente vers le sud continue, prochaine étape : la Martinique, une fois que ces deux ondes tropicales seront derrière nous.
Depuis deux mois, chaque fois que je suis à Deshaies, il est là, à quelques dizaines de mètres du ponton, quand je vais promener GiGi, assis sur sa chaise en plastique blanc, sa « terrasse » - ou plus probablement une ancienne pièce de sa maison protégée des grains par une vaste bâche en plastique blanc.
De loin (et sans mes lunettes) je distingue un homme aux cheveux blancs, mais pas encore (vraiment) vieux, peut être 65 ou 70 ans, en tout cas bien conservé. Il est toujours en short ou maillot de bain, souvent rouge. Et toujours seul.
Une fois seulement je l’ai rencontré, par hasard. C’était la mi-journée, il sortait du restaurant voisin, un plat de riz sur lequel trônait un superbe poisson encore entier à la main. Je lui ai souhaité bon appétit en le croisant, vu que son plat avait l’air bon, il m’a répondu que c’était toujours moins bon quand on était seul à table.
Ce n’est qu’en arrivant au ponton que je l’ai reconnu, il s’installait à sa table, avec son déjeuner.
Tous les jours que je suis à Deshaies, depuis deux mois, et que je sors GiGi, il est là, toujours seul, toujours sur sa terrasse improbable. Tous les jours il regarde la mer, et me regarde, ou GiGi, ou plutôt nous deux, lorsque j’arrive au ponton. Chaque fois, nous échangeons un salut de la main, je crois être le seul avec qui il fait ça.
Aujourd’hui, à la veille de quitter Deshaies - jusqu’en Novembre au moins -, je me suis arrêté devant sa maison avec mon dinghy, pour lui dire au revoir. J’espère bien continuer cet échange sans paroles la saison prochaine.
Voilà plus de deux mois maintenant que je traine mes guêtres en Guadeloupe, à découvrir le Grand Cul de Sac du Marin, et revisiter l’îlet Cochon, Marie Galante, les Saintes ou Deshaies.
La saison des pluies a commencé depuis quelques semaines, il est devenu rare, très rare ces jours-ci d’avoir une journée de soleil complète. Les batteries peinent à se recharger, et les affaires à sécher.
Le premier système météo a été nommé, le long des côtes américaines. Les prévisions annoncent une saison active, plutôt intense, mais c’est de toute façon la tendance de ces dernières années avec une augmentation, si ce n’est du nombre, tout du moins de l’intensité des ouragans dans cette région.
Nous étions tous, à cette époque l’année dernière, dans les starting-blocks pour rejoindre l’île de Grenade, qui nous assurait un abri, lorsque l’ouverture des autres îles était encore incertaine.
Cette année, les choses sont plus claires : Saint Vincent et les Grenadines et Grenade sont toutes les deux ouvertes, avec un protocole allégé pour les personnes vaccinées (test PCR à l’arrivée, et isolement le temps d’attente des résultats). Trinidad et Tobago sont toujours fermées, mais en voie de réouverture dit-on depuis plusieurs mois.
Bien sûr, les choses risquent encore de changer, et sans doute rapidement, avec la diffusion du variant delta / indien. Mais pour l’instant, nous savons que nous avons un abri sûr, quoi qu’il puisse arriver.
L’idée est donc de prendre le temps de la descente, d’abord en Martinique, puis dans les Grenadines. Ensuite, selon la météo, les envies, et tout le reste, il sera bien temps de voir s’il faut aller plus au sud, Grenade, Trinidad ou les ABC.
Vos commentaires
# Le 28/06/21, Marge En réponse à : Le vieil homme et la mer
Depuis deux mois, chaque fois que je sors sur ma terrasse, je le vois passer sur le ponton.
De loin (et sans mes lunettes) je distingue un homme aux cheveux bruns avec peut être un peu de blanc, pas vieux, peut être 50 ou 55 ans, en tout cas bien conservé. Il est toujours en short et tee-shirt. Et toujours avec son chien.
Une fois seulement je l’ai rencontré, par hasard. C’était la mi-journée, je sortais du restaurant voisin, avec un plat de riz sur lequel trônait un superbe poisson encore entier. Il m’a souhaité bon appétit, je lui ai répondu que c’était toujours moins bon quand on était seul à table.
Je l’ai revu passer le ponton, quand je me suis installé à table pour déjeuner.
Tous les jours, depuis deux mois, quand je sors sur ma terrasse pour regarder la mer, il passe par là, toujours avec son chien. Chaque fois, nous échangeons un salut de la main, il est le seul avec qui je fais ça.
Aujourd’hui, il s’est arrêté devant ma maison avec son dinghy et m’a fait signe. Je pense qu’il va partir vers le Sud. Je m’étais habitué à nos rencontres. J’espère bien continuer cet échange, avec ou sans paroles, s’il revient.
# Le 28/06/21, ydikoi En réponse à : Le vieil homme et la mer
Ahah ! Bien trouvé :)
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