Toute la fable du changement individuel se déroule là, sous nos yeux. Le mythe fondateur de l’écologie libérale, qui voudrait résoudre l’équation de la survie de l’espèce en la réduisant à des habitudes de consommation personnelle. Complet hold-up sémantique, qui nous raconte ad nauseam que « l’homme » est à l’origine du réchauffement climatique – il y a même un mot pour ça, « l’anthropocène » – et que la « bonne volonté » suffira à en sortir. En consommant autrement, mais en continuant à consommer tout de même. Une performance de contorsion sémantique à faire pâlir un champion régional de limbo.
Car ce n’est pas « l’homme » – ou son synonyme, l’« activité humaine » – qui bouffe la planète, c’est le capitalisme. Le consommateur, lui, n’y est pour rien. Ce sont un demi-siècle d’empilement agressif des richesses, d’exploitation dérégulée des ressources naturelles, de croissance économique à tout prix et de déréglementation des flux de capitaux et de marchandises qui nous ont menés à cette situation désespérée. Notre consommation est la conséquence de ce modèle, en aucun cas sa cause. Sans remise en cause du capitalisme, aucune amélioration climatique n’est envisageable.
Mais on a beau chercher (…) une critique systémique : pas un mot, pas une réprimande, pas même une tape sur les doigts. Surtout, évitons le sujet du modèle politique et économique. Dans les conversations autour du climat, le capitalisme, c’est Voldemort – on ne le nomme pas, par crainte de représailles.