D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu fonder une famille, me marier, avoir des enfants, les élever.
Il y a presque vingt ans de cela, PapaDikoi m’emmena dans une longue virée dans Paris, à pied. Officiellement, il voulait faire des courses. Mais nous avons discuté, pour la première fois de ma vie. Je lui ai dit mes espoirs, mon envie d’avoir des enfants, longuement.
Oh bien sûr, cela faisait quelques années que je fréquentais régulièrement les 3615 guy et autres JH. Mais je n’étais pas homosexuel. Etre homosexuel, d’ailleurs, dans ma famille, ça n’existait pas. On parlait de pédérastes, parfois de pédophiles, mais jamais d’homosexuels. Et puis, l’homosexualité était une perversion grave, un péché mortel qui menait droit en enfer, et, oui, j’étais encore un peu croyant, à cette époque. J’avais fini par "essayer les filles", malgré tout, et ça fonctionnait. Un peu beurk, c’est sûr, mais ça fonctionnait. Et puis, comme je l’avais si souvent entendu “si on ne se marie pas par amour, on apprend à devenir amoureux”.
Mais un jour je me suis regardé dans la glace, et la vérité, implacable, m’est apparue : j’aimais les hommes. Oh bien sûr, je pourrais me marier, mais je mentirais toute ma vie à ma femme, je me mentirais à moi même.
Oui, j’étais homosexuel. Et je n’aurais donc jamais d’enfants. C’était aussi simple que cela. C’était un autre siècle.
J’ai mis du temps à évoluer, beaucoup de temps. A accepter de marcher dans la rue avec d’autres garçons, avec des homosexuels. A accepter le regard des passants, ou ce que je croyais être leur regard. A comprendre que l’important n’était pas tant ma sexualité, mais qui j’étais. A comprendre que l’enfer qui m’était promis ne tenait pas face à la promesse que je m’étais faite de mener ma vie le mieux que je pouvais. A assumer ce que je suis, qui je suis, cette différence qui m’enrichit. A ne plus avoir honte. A être fier de qui je suis, avec mes bons côtés, et mes mauvais.
Ce week-end, je les ai vu, je les ai reconnu, tous ceux qui ont défilé dans les rues. J’ai entendu leurs arguments, qui annoncent la fin de notre monde, les pires malheurs, la décadence, si la société, et donc l’Etat, reconnait que nous sommes capables d’Amour, capables d’engagement, capables d’être une famille. Je les ai vu ces slogans qui me tolèrent, qui acceptent que je sois dans la société à ma place, derrière. Je les ai vu, aussi, ces rictus de haine, ces bonnes et belles familles qui prônent l’amour biblique de l’autre pour mieux rejeter ceux qui ne leur ressemblent pas. Je les ai écouté, tous ceux qui se défendent d’être homophobe mais qui ne comprennent pas qu’ils sont insultant, odieux.
Tous ces nostalgiques d’une société normalisante, bien pensante, d’un siècle (dé)passé, pétris de peur, d’immobilisme et de fantasmes, m’ont mis en colère, et rendu militant.
Alors oui, je le souhaite, ce #mariagepourtous, si ce n’est pour moi, pour tous ceux qui feront leur demande en mariage un genoux à terre, pour tous ces enfants qu’on traite d’anormaux parce que leurs parents s’aiment, pour que demain ils ne passent pas par toutes ces difficultés que j’ai croisé sur mon chemin, et pour qu’ils finissent, tous, par comprendre que même différents, nous sommes pareils.
Vos commentaires
# Le 02/12/12, Marge En réponse à : Lettre à mon frère
@Rouge-cerise : Jolie réponse, bien vue :-)
répondre ︎⏎
# Le 02/12/12, Rouquette En réponse à : Lettre à mon frère
On croit se connaître bien, puisque de longue date, puisque du même sang... mais on ne se connait pas. Les liens du sang sont parfois bien lâches... Dans les 2 sens du terme... Même s’ils sont solides, ils se serrent et se desserrent, et même l’actualité les met à mal. C’est moche. Tristement humain. Bon courage.
répondre ︎⏎
# Le 02/12/12, Rouge-cerise En réponse à : Lettre à mon frère
Marge >> Si je remplace « Je crois que définitivement, les hétéros ne se rendent pas compte » par « Je crois que définitivement, ces hétéros ne se rendent pas compte » ou mieux « Je crois que définitivement, les hétéros qui manifestent ne se rendent pas compte », ça va mieux ? Mon raccourci en était un, en effet. Puisqu’on reste dans la magnanimité, je présume que votre raccourci qui met toute la famille d’Ydikoi (« Comme ça reste ta famille, ») dans le même sac n’était dû qu’à l’émotion et à la rapidité d’une réponse où vous n’aviez pas eu le loisir de peser vos mots... ;-)
répondre ︎⏎
# Le 01/12/12, Marge En réponse à : Lettre à mon frère
@ydikoi : Décidément, ils ne te méritent pas ! Comme ça reste ta famille, j’espère que tu arriveras encore à faire preuve de magnanimité face à l’égoïsme, la lâcheté et la facilité que leur offre l’agression comme exutoire à leur vacuité et à leur propre inadaptation sociale.
@Rouge-cerise : puisqu’on est dans la magnanimité, je vais supposer que ton raccourci qui met tous les hétéros dans le même sac n’était dû qu’à l’émotion et à la rapidité d’une réponse où tu n’avais pas eu le loisir de peser tes mots...
répondre ︎⏎
# Le 01/12/12, Rouge-cerise En réponse à : Lettre à mon frère
Je crois que définitivement, les hétéros ne se rendent pas compte que « les homosexuels », ce sont des hommes et des femmes, parfois leurs proches. « Les homosexuels » restent ces clichés qu’ils imaginent, et ils ne réalisent jamais qu’au travers d’un prof, d’un médecin, d’un animateur, ils ont confié leur propre enfant à une femme ou un homme homosexuel. Et qu’à ce moment là, ils étaient bien capable de faire la différence entre ce qui se passe dans un lit et le reste.
répondre ︎⏎
# Le 01/12/12, orpheus En réponse à : Lettre à mon frère
Ydikoi : Condoléances pour les illusions que tu pouvais avoir
# Le 01/12/12, Ydikoi En réponse à : Lettre à mon frère
Oh, je n’en avais pas vraiment, je me doutais que des membres de ma famille y sont allé, je les connais un peu à force ;)
Mais j’en ai eu confirmation, et je ne l’attendais pas de lui, surtout lui en fait.
répondre ︎⏎
# Le 30/11/12, Paumé En réponse à : Lettre à mon frère
Change de famille !
répondre ︎⏎
# Le 30/11/12, Ydikoi En réponse à : Lettre à mon frère
@Orpheus : condoléances ? pas encore, personne n’est mort ;) Mais merci
@Eric : et que long est le chemin …
répondre ︎⏎
# Le 30/11/12, Eric En réponse à : Lettre à mon frère
Nouvelle illustration, si besoin en était, que l’on est jamais bien trahi que par les siens…
répondre ︎⏎
# Le 30/11/12, Orpheus En réponse à : Lettre à mon frère
Sincères condoléance.
répondre ︎⏎