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[blog] Je te présente nos excuses

samedi 29 décembre 2012

Je ne les avais pas revu depuis plus de six mois. Nous avions passé des soirées entières à refaire le monde (parfois), à parler de grosses déconnades (souvent), de cul (rarement). Nous avions fait de grands feux de camp, chanté ensemble nos vieux chants scouts, (presque) dragué le même superbe mec, lui et son regard bleu perçant, elle et sa belle timidité si franche, et moi. Pleins de points et de références communes, une vraie complicité, malgré leurs enfants qui les attiraient naturellement vers d’autres familles.

Je me demandais ce que ça donnerait, installé dans ce nouveau cadre d’une vie établie, loin des cocotiers et des rhums planteurs. Retrouverait-on cette ambiance facilement, ou n’était-elle que le fait du dépaysement ?

Il n’a fallu qu’un regard de lui, ses yeux plongés dans les miens, qu’un petit rire d’elle comme chaque fois qu’elle esquive. A peine attablés nous papotions comme si nous nous étions quitté la crique d’à-côté. Nous avons parlé de tout, de rien, et puis bien sûr du sujet du moment, le #mariagepourtous.

Ils m’ont raconté les violences qu’ils entendent, ces insultes qu’ils lisent, cette phobie déversée qu’ils ressentent, et moi j’ai bu leurs paroles, parce qu’ils sont hétéros, et donc forcément plus objectifs que moi, moins passionnés, moins concernés, moins émotifs que moi. Et mes yeux disaient merci.

Je leur ai tout dit de mon chemin des six derniers mois, de mon évolution des dernières semaines, et mon engagement qui m’a mené à rencontrer des gens très inattendus. Et de la difficulté à voir tous ces gens défiler contre une idée pour eux, alors qu’ils oublient qu’ils parlent de moi, de nous.

A chaque fois, sur ce blog ou un autre, le retour est le même : ces opposants nous trouvent violents dans l’expression de notre tristesse, de notre colère, sans accepter un instant même l’idée que leurs slogans, aussi policés soient-ils, sont d’une extrême violence à notre égard, à nous qui sommes différents. Que nous ne pouvons plus supporter l’idée qu’être différents puisse nous rendre moins égal.

Pas eux. Au moment de l’addition, nous partions presque, J. a planté ses beaux yeux dans les miens, et s’est un peu penché vers moi :
Tu sais, Y, je te présente mes excuses, pour tous les hétéros…
Je ne l’ai pas laissé finir. Pas lui, pas eux, ils n’ont à s’excuser de rien.

Mais au fond de moi, j’ai tremblé d’émotion. Ils ne sont pas si nombreux, ceux qui sont venus me voir, et les autres, en disant “on est désolé pour vous, pour tout ce que vous endurez”. Ils n’y peuvent rien, ils sont même souvent partisans du projet de mariage pour tous, mais ils ne sont pas nombreux à le faire.

Alors J&G, merci. Merci pour avoir été là là bas, et merci pour être là maintenant. Vous et les autres.

Parce que, oui, ça compte, ces hétéros qui montrent de l’empathie, et ceux qui défilent avec nous, au delà de toute conviction sur le sujet, parce que ce sont leurs potes, leur frère, leur sœur ou parent, qui sont blessés dans leur cœur.

Vos commentaires

  • Le 03/01/13, Ydikoi En réponse à : Je te présente nos excuses

    Merci Marco, tu es un frère :-) et tu l’avais déjà prouvé, plus tôt.
    Oui, pas mal d’illusions tombent, et font mal. Et on se sent tous cons, je crois.

    répondre ︎⏎

  • Le 31/12/12, Marco En réponse à : Je te présente nos excuses

    Je sais depuis longtemps qu’il existe dans ce pays un vieux fond d’intolérance qui remonte à la surface à la moindre occasion propice. Dans un autre registre, il y a le vote des étrangers qui provoque son pesant de réflexions infâmes.

    Moi-même, je reconnais avoir fait usage quelques fois de ces mots qui vous blessent, certes sans penser à mal, juste comme ça, pour plaisanter, pour moquer un copain. Sans penser à mal ? Mais qu’y a-t-il de si drôle, finalement ? Je suis effaré par la violence dont sont capables les opposants au « mariage pour tous ». Non, je n’aurais jamais pensé que ça pouvait aller aussi loin, que des gens bien propres sur eux puissent exprimer tant de haine alors que nous sommes censés vivre dans une société démocratique, ouverte au débat, soi-disant. Alors qu’il ne s’agissait pour moi au départ que d’un simple ajustement du droit pour réparer une injustice, nous voilà face à un déferlement de haine plus ou moins tranquille, d’arguties hypocrites qui n’expriment rien d’autre que le mépris et le rejet d’une partie de l’humanité au prétexte de sa différence. Je suis atterré. Je suis révolté. J’ai honte pour cette France qui se réclame sans cesse des Lumières mais se vautre dans l’obscurantisme avec délectation.

    C’est con, n’est-ce pas, à mon âge, de croire encore qu’il suffit qu’une chose soit juste et conforme à la dignité humaine pour qu’elle soit acceptable. Quelle claque !

    Je suis avec toi, mon frère !

    répondre ︎⏎

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