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[blog] le porte feuille

lundi 28 décembre 2009

Chaque année, c’est le même rituel, la même question qui revient : “et toi Ydikoi, tu as fait ta liste ?”. Cette seule phrase me hérisse le poil (que j’ai rare, pourtant), tellement elle symbolise ce que je déteste dans cette période, progressivement passée dans notre famille tout du moins, de la fête à une sorte d’obligation de faire la fête.

Il y a une époque, pas si lointaine, où nous avions pour règle de répartir nos cadeaux, chacun ne donnant qu’à un seul membre de la famille. Outre l’aspect financier, non négligeable, cela obligeait également chacun de nous à faire un effort conséquent pour que ce cadeau unique soit non seulement beau, mais également très plaisant pour son récipiendaire. Mais le fait de n’avoir qu’un seul cadeau à faire laissait le temps, et la disponibilité, pour chercher ce présent qui ferait réellement plaisir. L’important n’était pas le cadeau, mais la fête, ensemble, tous ensemble, et le plaisir de faire plaisir. Chacun des cadeaux que je recevais, beau ou non, inutile ou pratique, personnalisé ou pas, contenait une part intime de celui qui me l’avait donné. C’était un bout de lui, un bout de notre relation.

Mais voilà. Les habitudes changent. Fini le cadeau unique, voici venu le temps de "la liste", ce supermarché des envies où nous n’avons plus qu’à piocher pour s’assurer de faire mouche. Foin de notre connaissance intime de l’autre, foin de la surprise, foin de l’investissement personnel : il suffit maintenant de se balader dans les rayons, regarder les prix, choisir l’article, ou ceux, que l’on peut supporter. Société mercantiliste, jusque dans le don.

Au supermarché des envies, je me suis toujours baladé l’air absent, poussant mon caddie avec désœuvrement, sauf pour les enfants, pour qui le cadeau compte tout autant - voire plus - que l’intention qui le porte. Pour les adultes, mes frères et sœurs, mes parents, je me suis toujours affranchi de leurs envies, pour trouver, autant que possible, quelque chose qui non seulement leur fasse plaisir, mais aussi, et surtout, me corresponde, un cadeau dont je pourrais être fier, d’avoir eu l’idée, et l’envie, et le plaisir, de donner. Et quand on me demandait ma liste, j’avais pour habitude de répondre de manière évasive.

Cette année pourtant, quand Mamandikoi a entonné sa demande annuelle, j’ai répondu du tac au tac.

Je me trimballe depuis près de vingt ans maintenant avec le même portefeuille que je traîne depuis mon dernier séjour aux US. Je l’avais dégotté dans un repaire de cow-boys, loin des circuits touristiques, au fin fond de l’illinois (ou était-ce l’indiana ? je ne sais plus) le plus profond. Du costaud, du massif, qui aura bien vécu. Mais voilà, même la vache la moins génétiquement modifiée n’a pas le cuir assez épais pour supporter mon foutoir ambulant : depuis quelques années, le cuir se tanne, les coutures faiblissent, le plastique sèche et craquelle.

J’avais repéré il y a quelques années, dans une boutique anodine de mon quartier, un portefeuille qui combinait plusieurs avantages : même taille, joli cuir, et une marque (tout aussi anodine) de fabrication française, et de qualité, qui laissait présager une durée de vie certaine. Et je m’étais dit qu’un jour, j’en aurais un, malgré son prix (car oui, la boutique peut être anodine, ça n’en est pas moins une boutique qui reste luxueuse).

Tout ça m’est revenu en une demi seconde, à l’instant même où MamanDikoi finissait de prononcer sa ritournelle. Et puisqu’elle voulait une idée, elle allait en avoir une, même à un prix indécent. L’après midi même, je lui envoyais par mail les deux exemplaires que j’avais repéré sur le site de cette anodine boutique, prêt à voir jusqu’où irait cette absurdité.

Je n’ai pas tout de suite remarqué le paquet, posé sur le fauteuil, au milieu des trois ceinturons, de la bédé (je ne vous la recommande pas), un petit carton d’un marron très chic, forcément, rehaussé d’un ruban vert pastel. Je l’ai ouvert, sachant évidemment son contenu, et ai remercié Mamandikoi, bien sûr, j’étais sincèrement content de ce cadeau, hors de prix, absurde, mais beau cadeau, et utile. “Vraiment, quand je l’ai vu, je n’ai pas compris ce que tu lui trouvais, il n’a vraiment rien d’exceptionnel. Mais enfin, si ça te fait plaisir …

Mais voilà. Alors qu’elle avait toutes les cartes en main, Mamandikoi ne m’a pas offert l’un des modèles que je désirais. Un porte-carte plus qu’un porte-feuille, pour lequel je n’avais pas vraiment d’utilité. Gêné, je lui demande si elle voit une quelconque objection à ce que je change l’objet. Aujourd’hui, pour la première fois de ma vie, je suis donc allé échanger un cadeau de Noël, qui plaisait tellement peu à son auteur qu’elle avait commis un bel acte manqué.

J’aime de moins en moins Noël, décidemment. Mais au moins, j’ai un beau porte-feuille, maintenant.

Vos commentaires

  • Le 03/01/10, Ydikoi En réponse à : le porte feuille

    Mouais, les miens n’ont jamais tenu, le velcro lâchait toujours en premier … ou alors tu l’utilises pas souvent ? :-)

    Et, oui je l’assume, j’ai le (mauvais ? bon ?) goût d’aimer des choses qui valent (hélas) cher …

    répondre ︎⏎

  • Le 02/01/10, Denys En réponse à : le porte feuille

    C’est marrant, moi aussi, mon portefeuille, acheté dans une boutique prestigieuse (Printemps Nation), a plus de vingt ans : un modèle en plastique et tissu synthétique fermé par un velcro et fabriqué à Taïwan (ou à Hong Kong, ou peut-être même en Corée. Non, en 1988, la Chine, on ne savait pas ou c’était). Et ma foi, il est presque comme neuf et il me servira encore de nombreuse années.

    Et mes meilleurs voeux, hein.

    répondre ︎⏎

  • Le 31/12/09, Ydikoi En réponse à : le porte feuille

    Bon, j’admets que la transition a peut être été un peu brutale :-))

    Non, je n’ai pas hiberné, ni boudé. Il y a juste des choses que je n’ai pas envie de dire pour l’instant, et d’autres que je ne suis pas forcément prêt à dire, comme par exemple : est-ce que je pars ?

    A priori, oui. Je sais que je partirai, et bientôt. Mais, outre la préparation spécifique à un tel voyage, il y a d’autres choses à caler … et justement, certaines ne le sont pas encore, et de loin.

    Alors avec tout ça, je n’ai pas forcément grand chose à dire, ni de belles transitions à faire. Désolé, hein ;-)

    répondre ︎⏎

  • Le 30/12/09, France En réponse à : le porte feuille

    Fichtre... la bédé, c’est du lourd, effectivement...

    répondre ︎⏎

  • Le 29/12/09, France En réponse à : le porte feuille

    Ouaip, chuis d’accord avec Twiga ! T’as fait quoi entre les 2 ? T’as hiberné ?

    Pour les cadeaux, je suis d’accord avec toi, les listes, c’est nul : cette année, ma belle sœur m’en a donné une pour ma nièce de 7 ans et mon neveu de 2 ans et alors que je me faisais une joie de leur offrir de l’inédit, de l’original, du jouet en bois d’arbre ou du « à-faire-soi-même-pour-stimuler-l’imagination » ben non ! Je me suis retrouvée à Cora avec dans mon caddie un (énorme) carton contenant le parfait petit établi en plastique chinois pour petit garçon qui bricole et un autre machin en plastique rose transparent avec dedans Barbie papillon (ben voui, Barbie ne se contente pas d’être belle et parfaite, elle peut aussi se transformer en papillon !) pour petite fille qui rêvera d’être mannequin anorexique d’ici quelques années...

    Bref. On dirait que ça leur a fait plaisir à eux si à moi non. C’est le principal, hein ?

    Bien contente de te voir bientôt, sinon, et c’est marrant, c’était sur ma liste ! En tête de liste, même ! ;o))))

    répondre ︎⏎

  • Le 29/12/09, Twiga En réponse à : le porte feuille

    c’est un peu court, jeune homme ! Tu nous laisses en vrac au cap Finistère coincés dans des chiottes de 20cm² et en en sortant, on se retrouve au pied du sapin...

    répondre ︎⏎

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