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[blog] Corse, étape 3 : l’arsouille

lundi 18 mai 2009

Après Aullène (voir l’étape 2), c’est à Corte que nous sommes basés pour trois jours. Et c’est en terrasse, sous la statue de Pascal Paoli, dans une ambiance franchement jeune (Corte est la ville universitaire corse) et plus chaude qu’Aullène, que nous retrouvons deux collègues de boulot d’un membre du club. Forcément, entre motards, on parle moto.

La mauvaise foi grimpe doucement, et comme à ce jeu là je ne suis jamais le dernier, me voilà à taquiner ce jeune blanc bec barbu sur son assertion d’avoir la meilleure moto pour les pif-paf corses (et, forcément, le meilleur conducteur dessus). Logiquement, nous terminons donc avec bravache, à décider que la balade du lendemain les intégrera, pour leur dernier jour sur l’île, afin de voir d’un peu plus près celui qui a la plus grosse.

Mais l’épisode tournera court. Entre la circulation assez dense somme toute sur cette grande nationale (N197) aux courbes impeccables et revêtement parfait ; les traine-couillons qui refusent de se faire doubler, voyant leur équation imaginaire (« j’ai une moto de circuit donc je roule vite et bien ») s’effondrer ; et la timidité du blanc-bec et de son compagnon, qui n’osent pas doubler les précités ; il n’y aura eu que quelques virages dans lesquels ils auront (un peu) mis la pression, suivis d’assez près par ma teutone endiablée (ESA mode "sport", suspensions contraintes au maximum, technique) et la Kawa Z1000 de notre adhérent, Cruchot motocycliste de son métier, et donc forcément à l’aise. Ils nous quitteront donc à la pause matinale, à St Florent, préférant vivre leur vie, reconnaissant à demi-mots leur surprise d’avoir été suivis de cette manière. Quant à moi, je touche là le début de mes limites, assez conscient que s’ils avaient ouvert un peu plus, j’aurais été totalement incapable de suivre le rythme.

Cette demi-matinée nous aura en tout cas laissé un léger goût de « pas assez ». Aussi, nous décidons au retour, de profiter de la route de Bastia à Corte. L’Hayabusa, Cruchot et moi décidons donc de profiter d’une route sans intersections pour laisser le groupe rapide à son rythme, et nous faire une petite arsouille.

La technique d’Hayabusa est simple : il attaque le virage de là où il est (hum …), se replace dans le virage d’un bon coup de frein (re-hum …), et lâche les canassons en sortie. De quoi assurer que quiconque (et donc moi), avec une technique plus ou moins proprette, lui colle au train dans le virage, avant de se faire distancer à la sortie … jusqu’au virage suivant.

Mais rapidement, je m’enhardis à monter Titine dans les tours en sortie de virage, Hayabusa sent plus qu’il ne voit le museau de ma baleine lui coller aux basques dès l’entrée de virage, que je suis obligé de donner un peu de frein arrière pour ne pas lui faire l’exter (c’est que j’ai pas l’habitude, moâ) … bref, la pression monte méchamment, la concentration est au maximum, je ne cherche même plus Cruchot dans mon rétro, je sais de toute façon qu’il me colle aux basques, j’ai arrêté de me demander pourquoi, avec sa technique et son expérience, il persiste à faire le serre-file.

C’est dans les pif-paf que la pression est la plus forte, forcément : avec sa technique de merde, l’haya est sur une trajectoire bizarroïde en sortie du premier virage, et force donc pour se placer a minima dans celui qui arrive, alors que Titine, avec ce qu’on m’a appris, est déjà placée à la sortie pour l’entrée du suivant.

Et ce qui devait arriver, donc, arriva : sortie de virage (à droite) mal embouchée, arrivée sur le virage suivant (à gauche) déjà à l’intérieur, aucune visibilité dans le virage, aucune marge pour tourner sans empiéter sur la voie opposée … Hayabusa plante les freins, méchant.
Je suis dans sa roue, mais décalé d’un bon mètre cinquante sur sa droite, à l’extérieur du virage, le regard vers sa sortie, et j’ai donc en vue l’arrière de l’Hayabusa. Je le sens planter les freins, plus que je ne le vois, je ne vois tout d’un coup que son pot d’échappement, je suis fixé dessus, j’imagine le tout-droit, et je plante moi aussi les freins, comme je ne l’ai jamais fait. Je ne garde de ces quelques dixièmes de secondes que le bout de son échappement, puis le bord du bitume, et ma roue avant qui s’arrête juste là, sur le premier centimètre après le bitume, sur l’accotement. Encore crispé sur les freins, je ne dois même pas penser à poser le pied, je couche la moto, doucement.
Et Cruchot est déjà là (mais comment il a fait pour (1)nous éviter, (2)s’arrêter (3)béquiller (4)courir vers moi en si peu de temps ?

Il m’aide à relever Titine, tout va bien, la moto n’a rien, même pas une éraflure, il me dit que si je n’avais pas suivi la moto du regard, mais la route, je passais, largement. Que la pression était forte, très forte, sur Hayabusa. On respire 5 min, et on repart, Cruchot en tête, moi derrière, suivi par Hayabusa.
On enchaîne encore quelques kilomètres de virage, pour terminer la route. Cruchot maintient un joli rythme, je le suis sans trop d’effort, Haya est largué d’une bonne cinquantaine de mètres. Nous nous arrêtons finalement au carrefour, pour attendre le reste du groupe. Fin de l’épisode.

Ma conclusion du jour :

  • le regard ! Ce putain de regard, qu’on ne commande pas, qu’on doit forcer par l’habitude à rester scotché à la route ! Cruchot me le confirmera plusieurs fois, je pouvais éviter le tout droit ... si je n’avais pas été scotché à son pot !
  • l’ESA : une tuerie ! Là où Titine tortillait allègrement du cul dans les pif-pafs, dès que l’allure se faisait confortable, un coup de pression sur le comodo pour la mettre en mode sport, et elle devient rigide comme une poutrelle d’acier. Sans l’ESA, c’est clair, je n’aurais pu mettre autant la pression, je me serais senti en insécurité bien avant.
    François me l’assènera lors du stage AFDM plus tard, c’est bien là qu’est le problème : la 1200 RT peut essayer de se faire passer pour une sportive avec ce mode « sport », ce n’en est pas une. Et elle filtre tellement qu’on en atteint vite - sans s’en rendre compte - les limites, de la machine, du conducteur. Attention danger.
  • et une dernière chose : le cerveau se protège. De « l’incident », il ne me reste que deux souvenirs : celui du pot d’échappement de l’Haya, que je vois encore grossir ; et celui de Cruchot m’aidant à relever titine (maintenant que j’y pense … comment ça se fait qu’elle était au point mort ?). Rien du ravin qui était à moins de 2m de la route, et donc de ma roue).
    et si j’ai voulu repartir tout de suite, c’est que je savais que, comme à cheval, il ne faut jamais rester sur une chute.

Pour une première arsouille (en 7 ans de moto), c’était une première. Pas la dernière sûrement (j’espère), mais il est évident que je devrai modifier deux/trois paramètres …

Vos commentaires

  • Le 19/05/09, François En réponse à : Corse, étape 3 : l’arsouille

    pour faire une belle sortie de virage, il faut...... la regarder !!!
    je sais, c’est pas facile, mais Cruchot a raison, ça passait, c’était beau
    J’oubliais, tes limites sont largement en dessous de celles de la teutonne, c’est bien là le problème, tu n’as pas vu le panneau « trop tard », mais bon, c’était pas ton jour, tant mieux
    et n’oublie pas de relire les commentaires du collège des animateurs, ça t’éviteras peut être d’autres frayeurs, faire de l’huile, ça peut être sympa, mais pas sur la selle ;-)

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