C’est fait. Après 3, ou 4, peut être même en fait 5 ans d’essais et expérimentations, le gouvernements lance une nouvelle générations de radars automatiques, cette fois pour les feux rouges. Toute la presse s’en fait largement écho, relayant complaisamment non seulement les chiffres mais aussi l’argumentaire gouvernemental sur le sujet
[1]
. Comble de l’ironie, ils ne prennent même pas la peine de réfléchir un tant soit peu à ce qui leur est proposé, pour preuve cet article du jdd (ouaip, pas d’chance, aujourd’hui ça tombe sur eux).
Reprenons depuis le début.
Au commencement (entre 1868 et 1914 selon les pays) apparaît une nouvelle forme de signalisation, destinée à accorder ou non le droit de franchissement d’un carrefour : vert, c’est autorisé ; rouge, c’est interdit. Et c’est en 1934 (pour la France) qu’apparaît un feu intermédiaire, le jaune (en fait orange) pour indiquer l’apparition prochaine du feu rouge et de l’obligation de marquer l’arrêt.
Il y a quelques années, constatant que les automobilistes (pour faire court
[2]
) prennent de plus en plus de liberté avec les feux rouges, est introduite l’obligation de marquer l’arrêt dès le feu orange, à moins que l’arrêt ne puisse se faire dans de bonnes conditions de sécurité (mais il est dans la pratique quasiment impossible de démontrer l’impératif d’urgence en cas de verbalisations).
Pour autant, la modification du code de la route n’aura pas eu l’effet escompté, une fois de plus.
Empilage législatif ; absence de communication institutionnelle sur la circulation en ville, de moyens humains, de contrôle sur l’efficacité de la loi a posteriori ; contexte politico-sociétal favorisant le développement du « chacun pour soi », les arguments sont largement connus, qui ne concernent d’ailleurs pas uniquement la sécurité routière.
L’apparition des radars automatiques au début des années 2000 laissait apparaître le saint-graal : la possibilité de surveiller, contrôler, verbaliser sans même une présence humaine, sans risque médiatique concernant des objectifs chiffrés donnés aux forces de l’ordre et des dénégations difficiles.
Seulement voilà. Ca ne marche pas, pas encore, au bout de plusieurs années.
La semaine dernière, rentrant de nuit chez moi, je passais par le quai François Mitterand. Peu de circulation, un autre motard à côté de moi, qui arrive au feu du Pont du Carrousel quelques secondes avant moi. C’est là qu’est installé l’un des tout premiers radars à feux rouges lancé en expérimentation.
Une bonne seconde et demi après que je me sois arrêté à côté de lui, 3 crépitements de flash rapides, le dernier un peu plus espacé, nous font nous retourner. Nous sommes seuls au carrefour, tous les deux arrêtés, pieds à terre, et en deça de la ligne de feux, et pourtant, nous venons de nous faire flasher. Pourquoi, comment ? Mystère.
Evidemment, je n’ai pas reçu de PV, puisque l’appareil est encore en test.
Quand bien même, la question de leur efficacité est posée, notamment dans le cas d’un franchissement de feu rouge nécessité par l’obligation de laisser le passage d’un véhicule prioritaire. Que disent à ce sujet les responsables de la sécurité routière ? Rien. Quelles questions les journalistes ont-ils posé à Michèle Alliot Marie à ce sujet ? Aucune.
Comment l’appareil, dont le but est justement de ne pas tenir compte des cas particuliers, tiendra-t-il compte de la dérogation accordée au franchissement de feu orange pour des questions de sécurité ? Aucune question, aucune réponse.
Comment l’automobiliste ou le motard pourront-ils dans ce cas se défendre, quels documents devra-t-il apporter ? Ni question, ni information.
Et la procédure de contestation, complexe, lente et arbitraire, des radars automatiques sera-t-elle transposée, notamment dans ce cas ? Aucune réponse à donner, les journalistes sur ce sujet également n’ont pas fait d’enquête ou simplement posé de question.
Seule trouvaille des pontes de la sécurité routière : une nouvelle modification du code de la route :
Histoire de continuer à changer les mentalités, les feux tricolores vont voir leur fonctionnement modifié. L’orange clignotera alors que le feu est encore au vert, pour mieux avertir les conducteurs de l’apparition du rouge. (source)
Remarquons d’abord l’aberration : le feu restera vert (donc signal de passage autorisé), mais l’orange sera allumé (donc interdiction de passer). Amis schyzophrènes, bonjour.
Ensuite, c’est le Parisien qui reprend sans sourciller l’affirmation mensongère fausse de la patronne de la sécurité routière, Michèle Merli, selon laquelle cela s’applique déjà dans les pays anglo-saxons (puisque c’est devenu maintenant un argument non contestable : ce qui se fait ailleurs, particulièrement dans les pays anglo-saxons, est bon pour la France).
Tous ceux qui auront voyagé en Angleterre ou aux USA (ou même à Hong Kong) auront rectifié d’eux-même : la bas, le feu orange s’allume, non pour annoncer le passage du vert au rouge, mais au contraire pour annoncer le passage du rouge au vert. Il semblerait que la seule - et isolée - Italie ait appliqué ce système.
Enfin, même si c’est bien dans l’air du temps, je reste particulièrement étonné par cette logique contemporaine que, puisque ça ne marche pas, on essaye encore :
- on met un feu rouge pour interdire le passage
- ça ne marche pas assez bien, alors on met un feu orange pour prévenir de l’apparition du rouge
- ça ne marche toujours pas bien, alors on met une machine pour verbaliser, et on change l’orange fixe en clignotant
Je gage que cela ne fonctionnera toujours pas. Oh, bien sûr, à force de régenter notre société par la peur, les conducteurs feront plus attention. Mais on évitera pas les inattentions, les camions ou bus qui bloquent la vue du feu, ou le piéton qui s’engage sans regarder au prétexte qu’il en a le droit. Alors, on rajoutera un feu vert clignotant, qui préviendra de l’orange clignotant, qui préviendra de l’orange, qui préviendra du rouge.
On gagnera quelques vies, on s’en félicitera chaudement, les machines sont tellement supérieures à l’homme. A ce titre, on nous promet déjà la voiture qui conduira toute seule.
Il faut dire qu’il est beaucoup plus facile d’imposer qu’apprendre, contrôler que responsabiliser, asséner que communiquer.
La politique n’est plus l’art du possible, c’est devenu l’art de la facilité. Au grand bénéfice des machines et de leurs constructeurs, au grand dam de l’intelligence collective.
Vos commentaires
# Le 15/04/09, Ydikoi En réponse à : La politique, c’est l’art de la facilité
voilà où sont les problèmes :
Tout cela en sus de tout ce que j’ai pu décrire comme problème ci-dessus, bien sûr ;-)
répondre ︎⏎
# Le 14/04/09 En réponse à : La politique, c’est l’art de la facilité
Le système se déclenche une fois le rouge allumé. il fait plusieurs photos pour discriminer un vrai passage au rouge d’un problème d’encombrement ou autre.
Je ne vois pas où est le problème.
répondre ︎⏎